Les comptoirs phéniciens en Méditerranée
Localisation des principaux sites du Levant de la première moitié du Ier millénaire avant J.-C.
Le territoire de la Phénicie correspond au Liban auquel il faudrait ajouter certaines portions de la Syrie, d'Israël et de la Palestine.
Les Phéniciens étaient un peuple antique d'habiles navigateurs et commerçants. Partis de leurs cités-États en Phénicie, ils fondèrent dès - 3000 de nombreux comptoirs en bordure de la Méditerranée orientale, notamment Carthage (en - 814). Rivaux des Mycéniens pour la navigation en Méditerranée à l'époque archaïque (IIe millénaire av. J.-C.), les Anciens s'accordèrent cependant à dire qu'ils furent les meilleurs navigateurs de l'Antiquité.
L'invasion des Peuples de la Mer
va ravager les cités romaines, de même que Mycènes
et les autres territoires qu'ils traversent, mais c'est ce qui va
permettre aux Phéniciens de trouver leur indépendance
vis-à-vis des puissances voisines qui les avaient assujettis
puisque celles-ci seront elles aussi détruites par ces
invasions. La chute de Mycènes en particulier va leur permettre
de dominer les mers.
Après avoir supporté les assauts des Athéniens, des Assyriens, de Nabuchodonosor puis de Darius III, la Phénicie disparut finalement avec la conquête par Alexandre le Grand en - 332.
Le nom Phénicien leur a été donné
par les Grecs qui faisaient ainsi allusion à leur faculté
à produire de la pourpre, qui se dit phoinix en grec. Ce nom évolua en latin en Punicii d'où le nom des guerres puniques.
Selon Pline, « le peuple phénicien a l'insigne honneur d'avoir inventé les lettres de l'alphabet ».
Étymologie
les termes de "phénicien" leur aurait été attribués par les grecs. En effet, "phoinix" signifie en grec : "rouge". Les phéniciens étant les découvreurs du la pourpre, teinture rouge probablement tirée du Murex, un gastéropode.
Un empire maritime
Leur pays est prospère, très boisé, fertile, mais étroit entre la chaîne montagneuse du Liban et la mer. Ils ne pouvaient donc espérer bâtir un empire dans l'hinterland, peuplé par leurs puissants voisins. C'est donc vers la mer qu'ils vont se tourner. Bientôt Tyr
va devenir la capitale de leur empire maritime. Ainsi trouveront-ils
ailleurs les ressources que ne leur offre pas l'exiguïté de
leur territoire, et la motivation première qui les poussera vers
d'autres rivages sera essentiellement d'ordre mercantile. Pour s'y
implanter comme ils le firent, il leur faudra certes beaucoup d'astuce,
mais aussi beaucoup de courage pour affronter la mer et ses horizons
inconnus. Ils sauront, durant des siècles, s'assurer le quasi
monopole du commerce en Méditerranée. Ils propagèrent l'alphabet dans tous les pays riverains.
Navigation
"Des Phéniciens apportaient une foule de breloques dans leur vaisseau noir." — Odyssée, XV
"Les vaisseaux de Tarsis (voir Tartessos) ramèneront du lointain tes fils, et avec eux leur argent et leur or." — Isaïe, LX, 9
Telle est l'idée que les anciens avaient des navigateurs phéniciens.
Nous connaissons peu de chose sur la flotte phénicienne et
les représentations de leurs navires sont rares. L'une d'elles
provient de la fresque d'un tombeau de Thèbes au IIe
millénaire av. J.-C., coque large et arrondie, avec un mât
central et une voile carrée. Une autre provient d'un bas-relief assyrien du palais de Sargon II près de Ninive, et représente des barques relevées aux extrémités avec une tête de cheval comme figure de proue, mues par des rameurs. Une troisième enfin sur un autre bas-relief de Ninive, provenant du palais de Sennacherib
représentant deux types de navires différents :
navires de guerre à quille longue, l'étrave se terminant
par un éperon effilé, en poupe
deux rames flanquées de chaque côté servant de
gouvernail, un mât et deux rangées superposées de
rameurs ; des navires de commerce à coque renflée,
les gauloi des Grecs qui les imiteront et leur donneront leur nom phénicien transcrit en grec.
Des embarcations permettant de remonter le cours des fleuves donc, ainsi que le cabotage,
auquel les phéniciens ne se limitèrent pas. Ils
n'hésitèrent pas à affronter la haute mer ;
la boussole n'existant pas alors, leurs pilotes se repéraient grâce à la Petite Ourse,
que les Grecs appelaient précisément « la
Phénicienne », ce qui prouve qu'ils pratiquaient la
navigation nocturne.
Les améliorations de leurs vaisseaux et des techniques de navigation leur permirent, entre les XIIe et VIIIe siècle av. J.-C.s,
de prendre une nette avance sur leurs rivaux. Ils assurèrent
l'étanchéité de leurs embarcations grâce au bitume pour le calfatage,
ce qui permit sans doute aux anciens de parler des « noirs
vaisseaux » phéniciens. Renforçant la carène par une carlingue, ils obtinrent des vaisseaux plus longs, plus rapides et de plus gros tonnage, mieux adaptés aux navigations lointaines, et à la navigation hauturière,
leur permettant d'utiliser les vents et les courants. C'est ce qui leur
assura la découverte des routes maritimes et la maîtrise
de la mer, secrets que durant des siècles ils gardèrent
jalousement.
Outre la fondation de leurs célèbres comptoirs tel
Carthage, on leur prête, non à tort, ainsi qu'à
leurs successeurs Carthaginois, de lointaines navigations, voyages de
découverte et d'exploration au-delà du monde connu dans
l'Antiquité.
Commerce
Les premiers et principaux mandataires des armateurs
phéniciens furent les empires de l'Orient et de l'Égypte,
rois assyriens et pharaons, avant que les cités
phéniciennes forment l'empire de la mer qu'elles domineront.
Leurs navires sillonnent la Méditerranée et transportent
tout ce qui peut s'échanger ou se vendre : denrées
alimentaires telles que le vin, l'huile ou les grains (blé,
orge) dans leurs amphores de forme caractéristiques, rondes et
ventrues, minerais de cuivre, d'argent et surtout d'étain servant à la production du bronze.
L'Andalousie est alors la plaque tournante du trafic de minerais. La
Bible, à cet égard, a rendu célèbre les
« navires de Tarsis » (Tartessos).
Mais ils transportent aussi des produits de luxe : animaux
exotiques pour les cours royales tels que les singes ou les crocodiles.
Pourpre, bois de cèdre,
parfums et pierres précieuses du pays d'Ophir au temps d'Hiram
et la verroterie, qui leur sert de monnaie d'échange avec les
populations locales.
Nous sommes renseignés sur les rapports qu'ils entretenaient
avec ces populations locales et le type d'échanges qu'ils
avaient, ainsi que leurs modalités, par Hérodote qui décrit une scène d'échange à Argos. On s'aperçoit aussi, sous la plume d'autres auteurs antiques tels que le Pseudo-Scilace et Denys d'Halicarnasse, que la piraterie
était monnaie courante dans le trafic maritime de
l'Antiquité : les femmes et les enfants attardés
à marchander risquaient bien d'être embarquées. Car
c'est sur les rivages qu'avaient lieu le troc avec les indigènes
tandis que les transactions avec les marchands des différentes
civilisations avec lesquelles ils commerçaient avaient lieu dans
les emporions qui représentaient autant d'étapes
de les routes des Phéniciens, généralement
près des temples prévus également à cet
effet.
Mythologie, culte et religion
Les principales divinités phéniciennes sont toutes originaires du Moyen-Orient, ou de Mésopotamie comme Astarté.
Certaines ont été assimilées à des
divinités égyptiennes. Plus tard elles ont
été assimilées par les Grecs puis par les Romains.
Comme tous les peuples et toutes les civilisations antiques dont les
textes ne nous sont pas parvenus, ou dont il reste peu de
témoignages — ce qui est le cas pour les
Phéniciens, mais aussi pour les Étrusques ou les Ibères par exemple, ou encore pour des peuples qui, comme les Celtes, possédaient une tradition orale mais n'utilisaient pas l'écriture —, c'est surtout l'archéologie
qui nous renseigne, ainsi que les textes laissés au sujet
d'autres peuples par les auteurs appartenant à une culture
possédant l'écriture, comme les Égyptiens, les
Grecs ou les Latins. Parfois l'archéologie vient confirmer les
textes anciens, parfois les résultats sont discordants.
Les textes des anciens qui nous décrivent des civilisations
différentes de la leur, pour peu qu'elles soient concurrentes,
comme c'est le cas des Phéniciens et des Grecs, puis des
Puniques et des Romains, en donnent parfois une image faussée
qui ne correspond pas tout à fait à la
réalité, ou relatent des faits qui ne sont pas compris,
ou manifestent ouvertement une hostilité pour ceux qui
représentent l'ennemi.
Les Grecs comme les Romains nous ont laissé des
Phéniciens l'image d'un peuple cruel pratiquant les sacrifices
humains, c'était oublier un peu vite Iphigénie,
souvenir d'un temps où ces mêmes sacrifices furent
pratiqués en Grèce ; quant à la crucifixion,
nous savons qu'elle était chose courante chez les Romains.
Toutes les civilisations archaïques ont pratiqué ce type de
rites d'une manière ou d'une autre ; il convient donc de
redimensionner cet aspect cultuel qui heurte les modernes, et heurtait
déjà à l'époque classique, pour comprendre
ce qu'a été une civilisation qui fut grande, et ce
qu'elle a laissé en héritage à l'humanité.
À cet égard, l'alphabet est loin d'être
insignifiant.
Les cités phéniciennes
Les cités de Phénicie sont très anciennes, bien antérieures à l'âge du fer,
et édifiées par les Cananéens. Leur fondation est
souvent légendaire, et ce qu'on sait des constructions (en
dehors de ce que nous livre l'archéologie) est surtout relatif
au roi Hiram
de Tyr. La plupart des cités sont côtières, le plus
souvent situées sur des promontoires, sur des îlots
près des côtes, à l'embouchure de fleuves, et le
choix des sites sera le même pour les colonies.
Les comptoirs phéniciens
On est mieux renseigné sur les fondations des cités
d'Occident, plus récentes. Le choix des lieux suit les
mêmes critères qu'en Phénicie, quelques fois au
fond de baies selon la géographie des côtes qui se
présentent. Contrairement aux Grecs, qui cherchent des terres
à cultiver, les Phéniciens s'intéressent surtout
à la configuration des lieux facilitant les installations
portuaires. Ils sont attentifs à ce que les lieux qu'ils
choisissent présentent un bon accès à la mer mais
aussi à l'arrière-pays ; le choix d'îlots
reflète la préoccupation de la sécurité et
de pouvoir éventuellement se protéger de la population
locale. Dans la cité phénicienne, toute l'activité
est centrée sur le port et les entrepôts. L'orientation et
le plan ne sont donc pas homogènes. Les habitations sont en
général beaucoup plus grandes que les demeures des
colonies grecques à la même époque, sans doute pour
pouvoir constituer des stocks. En évoluant, les nouvelles
constructions suivront un plan régulier et les cités
comporteront également des espaces publics, mais beaucoup moins
nombreux que dans les colonies grecques. Sanctuaires et tophets
(nécropoles) feront également leur apparition. À
quelques exceptions près, l'espace cultivable alentour est
beaucoup moins étendu que dans les colonies grecques. Les
fortifications, excepté en Sardaigne, sont pratiquement
inexistantes : la mer est le meilleur rempart.
- à Chypre : Kition
- à Malte
- en Sicile : Mozia (Motye)
- en Sardaigne : Tharros, Nora, Sulcis
- en Péninsule Ibérique: Olisipo (Lisbonne), la mythique Tartessos, Gadès (Cadix), Nova Cartago (Carthagène), Onoba (Huelva), Toscanos, Trayamar, Malaca (Malaga), Abdera (Adra), Sexi (Almuñecar)...
- en Afrique du Nord: Tripoli, Hadrumetum (Sousse), Carthage, Icosium (Alger),Utique, Rachgoun, Lixus, Mogador...
Trois cités dépendaient de Carthage, connues
ultérieurement sous leur nom grec ou latin : Oea, Sabrata, Leptis Magna